Rhodes, la verte thébaïde du Dodécanèse

Publié le : 26 mai 20217 mins de lecture

Par Marie-Noëlle Hervé – Photos Philippe Le Faure
A 18 KILOMÈTRES DES COTES DE LA TURQUIE, sous le regard protecteur du dieu du soleil Hélios, Rhodes nous raconte son histoire vieille de plus de deux millénaires. Depuis l’antiquité, aux deux siècles de présence des chevaliers de Saint Jean, quatre siècles d’occupation Ottomane et quarante ans de règne italien. Où tous ont imprimé leur marque sur son sol.

Du haut de ses imposants remparts le regard plonge dans le cœur bouillonnant d’activité de la cité médiévale de Rhodes. En contrebas s’aligne au long des quais du port une armada de bateaux de plaisance. Mariage harmonieux du passé et du présent. La vieille ville de Rhodes est l’un des fleurons de cette île de 78 km de long sur 38 km de large. La plus vaste des douze îles du Dodécanèse qui s’égrènent face aux côtes de la Turquie.Une île à grande Histoire, qui a laissé des marques indélébiles sur sa peau de tuf blond. Dédiée dès la haute antiquité au dieu du soleil Hélios, elle prit son essor avec l’arrivée des Doriens qui y fondèrent vers l’an 1100 av.JC trois cités Etat :Lindos, Kameiros et Ialyssos. Ensemble elles s’uniront pour fonder en 408 av.JC une nouvelle ville : Rhodes. L’île est annexée par Rome en 297 av.JC. Un siècle plus tard, après la division de l’Empire, elle échoit à Byzance.

En 1306 débarquent les chevaliers hospitaliers de Saint Jean. Un nouveau chapitre commence. Il s’achèvera avec la prise de l’île par Soliman le Magnifique en 1522, l’expulsion des chevaliers, suivi par quatre siècles de domination ottomane. Les Turcs seront chassés à leur tour par les Italiens en 1912, qui occuperont Rhodes jusqu’en 1943. En 1947, Rhodes signera avec ses onze voisines leur rattachement à la Grèce.

Des trois antiques cités doriennes, il ne reste que de squelettiques vestiges de temples au sommet d’acropoles défuntes. En revanche la ville médiévale fondée par les chevaliers est restée presque intacte, entourée par ses cinq kilomètres de remparts percés de dix portes monumentales. Les Turcs y ont ajouté leur patte en la parsemant de mosquées qui se fondent à merveille dans le décor. L’ancien siège de l’ordre se répartissait autour du palais des Grand Maîtres, de l’Hôpital et de la rue des Chevaliers pavée de galets ronds où sedressent encore de nos jours les auberges où logeaient ces derniers. Ces édifices ont fièrement bravé le passage des siècles.

A l’exception du Palais des Grands Maîtres détruit par l’explosion d’une poudrière en 1856, et reconstruit à l’identique par les Italiens entre 1936 et 1939. Dans ce musée à ciel ouvert, mais toujours habité, il fait bon flâner, au-delà au delà de la rue Socrate colonisée par lesrestaurants et boutiques de souvenirs, dans le labyrinthe de ruelles d’un autre temps. Ou encore, hors les murs, dans la ville nouvelle construite par les Italiens au siècle passé.

La côte Est de l’île, bordée par une multitude de baies et longs cordons de sable, regarde la Méditerranée. La côte Ouest, très boisée, et qui s’achève en escarpement dégringolant à pic dans les flots, fait face à la mer Egée. Au sud est de la capitale, l’ancienne cité dorienne de Lindos, village gothique perché sur un promontoire, aux embrasures de portes sculptées dans le tuf et rues pavées de mosaïques de galets noirs et blancs dominé par son acropole retapée à l’excès par les Italiens, est une splendeur. Une beauté un peu gâchée par un afflux touristique excessif qui rend sa visite difficile.A l’intérieur des terres le proche village d’Archangelos est tout l’opposé. L’architecture est banale, mais le gros bourg vibrant de vie. Les vieilles femmes, les «yayas», portent encore le costume traditionnel, la tête couverte d’un fichu noir ou blanc. Chaleureuses et fidèles aux traditions ancestrales, elles côtoient sans heurts la jeunesse résolument dans le vent. Un morceau de Rhodes authentique à l’écart de la frénésie touristique.

Symi la bienheureuse

A 50 minutes en bateau de Rhodes, la petite île de Symi charme dès l’arrivée. Sa «capitale», bâtie en amphithéâtre autour de son port, offre un harmonieux ensemble de maisons à frontons triangulaires de style néoclassique aux tons pastels qui escaladent ses pentes raides. Une ville à deux étages, l’une accroupie au bord de l’eau, l’autre dans les hauteurs. Et pour les relier (à pied) un escalier de 400 marches. L’île, aride à l’extrême (l’eau vient du ciel et de Rhodes par bateau citerne), est placée sous la protection de l’Archange Saint Michel, dont l’icône miraculeuse est conservée, au fond d’une baie paisible, au monastère de Panormitis. L’archange est invoqué dans toute la Grèce ainsi qu’en témoignent les ex-votos conservés dans les lieux, et les bouteilles lancées à la mer chargées de requêtes qui arrivent de toute part portées par les flots jusqu’au monastère. Un émouvant témoignage de foi.

Les Rhodiens, des maîtres sculpteurs

Qui ne connaît la statue de la Victoire de Samothrace qui trône au sommetdu grand escalier du Louvre ? Cette grande dame est l’œuvre dusculpteur rodien Pythokritos, qui exécuta cette gigantesquefigure votive en 190 av. JC., sur une commande faite par l’île de Samothrace pour célébrer une victoire sur Antioche. Autre pièce maîtresse de marbre blanc exécutée à Rhodes, le groupe de Laocoon et de ses fils dévorés par des serpents géants se trouve au musée du Vatican. La légende a beaucoup brodé sur la fameuse statue du colosse de Rhodes (32m de haut et fondu dans le bronze), faite à l’image du dieu Hélios, et détruit par un tremblement de terre en 237 av. J.C. Les archéologues situent son emplacement à l’endroit où s’élève le Palais des grands maîtres. Et non comme on le représente souvent, à cheval un pied sur chaque jetée de l’entrée du port. Cette représentation fantaisiste date du 19e siècle.

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